All eyes on me

10 x 10 x 2 cm
Impression couleur sur Forex, chewing-gum
Marseille, 2023

L’interdit est partout. Il jonche les espaces publics et semi-publics de façon ostentatoire en tentant d’en réguler les usages afin de permettre à toustes d’en jouir, en théorie, le plus également possible. Il signifie aussi la présence d’une autorité, tantôt hyper-présente, tantôt diffuse dans la vinaigrette du quotidien.

Dès lors qu’il est devenu massivement possible de posséder un objet de capture photographique dans la poche (appareil photo compact mais surtout smartphone) sont apparus des espaces en interdisant les usages. Plus ou moins sensée, cette tendance pose les questions du contrôle de l’image, de sa diffusion, de son usage ainsi que de la propriété de ces prélèvements. Il y a des lieux où l’archivage et le partage de ce que l’on voit est soumis à un contrôle.

Sur le plan pulsionnel le chewing gum est l’image même de l’objet que l’on cache sous la table, ni vu, ni connu. C’est à une toute petite échelle, sur le plan individuel, le débarras sauvage et dissimulé d’un déchet dont on ne saurait que faire. Cet objet collant et humide, plaisant tant qu’il diffuse ses arômes de synthèse, devient inutilement dégueulasse en fin d’usage.

Là où l’objectif d’un appareil photo est mécaniquement conçut pour reproduire le fonctionnement de l’œil humain, venir y coller un chewing gum usagé pourrait revenir symboliquement à y mettre le doigt, comme dans la célèbre expression “mettre le doigt dans l’œil”.

Ce un geste espièglement irrévérencieux ne serait-il pas un moyen d’éborgner le cyclope pour mieux contourner son autorité? Et/ou est-ce un savant mélange de provocation et de “je m’en foutisme” que de rendre sur-visible ce geste de débarras habituellement sous-marin?
Et la psychanalyse dans tout ça?

Quoi qu’il en soit, le geste auquel nous faisons face est trop commun pour être surréaliste et paradoxalement suffisamment exceptionnel pour ne pas être banal. Et c’est peut être ici où se situe la clef.

La première photo est une prise de vue à des fins d’archivage. La seconde est une vue de l’exposition bouquet final à Culot 13 à Marseille (© Nassimo Berthomé).